Philosophie et concepts
Pour comprendre la médecine orientale que je pratique, il y a trois concepts de base à observer :
1 LE KI (Japon) ou QI (Chine)
On traduit souvent le terme par Énergie ou Souffle. Le ki ne se mesure pas. Son approche est donc difficile. Pourtant, cela fait partie du langage « cela me donne de l’énergie», « ce concert était plein d’énergie». Le Ki est la base de l'énergie, il est partout et dans toute chose. Il n'a ni fin ni commencement. Il englobe l'espace, le temps, la matière, la forme, le mouvement, les pensées et les émotions... Lorsqu'il se condence, il donne la matière et quand il se disperse, il donne le vide et l'espace. Au niveau du corps, le ki est le ciment qui empêche l'esprit ou Shen de s’échapper, de s’envoler du corps ou jing. Une bonne circulation du ki est synonyme de bonne santé alors que si elle est bloquée, elle aboutit à la douleur ou à la maladie. Ainsi sa réunion donne la vie alors que sa disolution donne la mort. En médecine traditionnelle chinoise, il comprend à la fois la matière, le carburant de toute action et le mouvement des émotions. Mais c’est aussi une forme d’activité intelligente de la matière. Le ki circule en surface et en profondeur pour irriguer tout le corps. Il se déplace à travers les méridiens ou rivières souterraines non fixes reliées à l'extérieur par des puits ou points d’acupuncture. Ce réseau est immense avec entre autre douze méridiens principaux. Comme nous sommes une partie de l’univers, le ki circule à travers l’homme en allant du ciel à la terre et inversement. -Le ki circule également d’un organe à l’autre avec un cycle journalier composé de marées durant deux heures dans chaque viscère, cette circulation est définie par l’horloge circadienne. Afin de mieux concevoir le KI et de pouvoir échanger et transmettre leurs découvertes et connaissances, les médecins ont eu besoin d’une langue, d’un code pour se comprendre. Ils ont donc développé successivement deux systèmes dialectiques basés sur l’observation de la nature. Ces deux théories qui sont présentées ci dessous servent à parler des différentes facettes et classer les aspects ou états du ki. Car le Qi est vivant et il peut changer de forme, de teintes, de caractère. Il est en transformation constante comme tout ce qui est dans la nature : les animaux sont rarement immobiles, l’eau est toujours en mouvement et même si elle stagne, elle participe au cycle de l’eau, les pierres sont considérées comme des fluides : à l’échelle de millions d’années, les montagnes bougent.
2 La Théorie du YIN et du YANG
Cette premiere théorie repose sur l’observation des liens entre la terre et le ciel, le jour et la nuit. Elle considère que le ki doit être observé sous deux angles opposés mais indissociables. Ces deux faces du ki possèdent des propriétés.
-Le Yang s’éleva pour former les cieux car il est d’une qualité plus subtile, plus immatérielle et plus vaste. Le Yang est lumineux, léger, chaud, ascendant, actif et de l’ordre du mouvement, représente l’esprit, rougeur, transpiration, agité, chaleur, pouls tendu et rapide, immatériel (énergie), ki protecteur (Wei Qi), surface.
-Le yin tomba au fond et forma la terre car il est plus condensé et plus matériel. il Le Yin est obscur, lourd, froid, descendant, inerte, immobile, représente, pâleur, frilosité, apathie, pouls faible, matière (structure : muscles, os, liquides organiques), Qi nourricier (Ying Qi), profondeur.
L’un n’existe pas sans l’autre, tels les deux versants d'une montagne. Ils sont relatifs et vont forcément ensembles. ils se contrôlent mutuellement. le yang réchauffe et met en mouvenent le yin et le yin ancre et retient le yang.
3 La Théorie des CINQ ÉLEMENTS ou WU XINGS
Après avoir observé la nature du ciel et plus particulièrement cinq planètes (Mercure Vénus Mars Jupiter Saturne), ils ont mis au point la théorie des WU XING; wu pour cinq et xing pour mouvement ou mutation. Chaque élément est lié à des aspects de la nature (mouvements, étapes de la vie ou saisons...) et de l’homme (physique ou émotionnel) ainsi qu’aux organes et entrailles. Il existe différentes interactions entre ces mouvements et donc entre les viscères, appelées Cycle d’engendrement, de contrôle… De plus les viscères contrôlent de grandes fonctions.
les cinq éléments sont :
- BOIS : Naissance, engendrement expansion, printemps, Foie, colère, tendinites.
- FEU : Croissance, été, Cœur, absence ou excès de joie, psychisme, insomnies.
- TERRE : Maturation, transformation, été indien ou intersaisons, Rate, ressacement, fatigue, diarrhées, ballonement.
- METAL : Vieillissement, collection, automne, Poumon, tristesse, dépression, affections de la peau
- EAU : Mort, conservation, hiver, Reins, peurs, douleurs lombaires.
En pratique, cela permet de comprendre l'importance de rendre son mouvement au malade en utilisant son propre mouvement. Et que pour rééquilibrer et débloquer la circulation du ki du patient il faut se servir de la bonne circulation de son ki afin de s'économiser. Deuxièmement, le ki, qui sert de lien est souvent très diminué après les accidents. L'esprit et le corps peuvent se dissocier de manière plus ou moins forte empêchant le corps de cicatriser et amenant dépressions ou folies. A ce moment, le travail du thérapeute est de soutenir psychologiquement le patient et d’aider la cicatrisation du corps, en ramenant l’attention du patient dessus, grâce au massage et à des exercices revalorisants. A ce moment, le soignant peut être comparé au ki en attendant qu’il l’aide à se renforcer. Ensuite, cela permet de voir qu il n'y a pas de bonne ou de mauvaises énergies qui s'attrappent ou se donnent. Mais juste des énergies qui sont trop yin ou yang, lentes ou rapides, faibles ou fortes, absentes ou stagnantes. Donc, le massage doit faire circuler le ki en débloquant ou rééquilibrant, sans submerger l’organisme. Pour le Shiatsu ou le Tuina, la théorie des cinq éléments sert à comprendre les relations entre le ciel, l’homme et la terre. Cette théorie nous aide pour comprendre les maux des patients. Cela permet d’agir au mieux lors d’un Shiatsu en dispersant ou tonifiant des points associés à tels organes ou telles entrailles ainsi que leurs méridiens. Associées au yin et au yang, ces deux théories permettent d’obtenir une idée précise du déséquilibre et donc d’établir un protocole de traitement. Cela permet de savoir quelles zones sont nécessaires ou inutiles lors du massage. Cela sert également à relier les différents aspects de l’être humain (physique, psychologique et psychique) et à effectuer une prise en charge globale de l’être humain.
Pour moi, ces concepts doivent être utilisés en accord avec la philosophie taoiste que je continue d'intégrer chaque jour et qui est :
D’un point de vue spirituel, le TAO est l'esprit qui anime le changement cosmique, il est l’éternel et le devenir, il se fait et se défait comme les nuages. Le TAO représente l’esprit et la loi de l’univers. Il est le principe d’où émanent toutes les forces. et la source de toute chose. Ce n’est pas une religion, mais une philosophie de vie. les taoïstes observent et expérimentent la nature et la vie. Cette philosophie respecte les règles du monde nous environnant. Elle nous propose de ne pas chercher à dominer le monde mais plutôt de vivre en harmonie. On ne doit prélever que le nécessaire. son principe fondamental est l’unicité, car tout est en tout. nous sommes tous reliés. Les taoïstes abordent la vie en gardant à l'esprit que agir sur l’univers, c’est agir sur soi et que agir sur soi, agit sur l’univers. Le macrocosme et le microcosme sont régit par les mêmes règles. Nous suivons les règles du monde nous environnant car nous faisons partie de la Nature. Le taoïsme apporte ainsi une conception de notre existence. La vie est un voyage. C’est le voyage d’une âme ou d’une conscience, d’un esprit (Shen) dans un véhicule : le corps (jing). L'objectif est de faire grandir notre conscience, notre confiance, notre foi et de faire un beau voyage même si le chemin est difficile. Et ainsi, devenir responsable et acteur de sa vie afin d'accomplir son Tao : voie, chemin. Pour favoriser cet accomplissement nous avons différents outils D"abord, nous pouvons observer la nature, les autres et nous même pour apprendre, vivre en harmonie et redevenir libre. Il faut profiter de tout, sans trop attendre, planifier sa vie. Il faut lâcher prise. Si ce que l’on a prévu ou ce que l'on a envie se produit, tant mieux. Si cela ne se produit pas tant mieux car il va forcément se produire autre chose à la place et cela est génial. Ce sont de nouvelles expériences avec de nouvelles connaissances à trouver. C’est que du bonheur ! Une autre manière de progresser est de changer notre regard sur les choses et les autres pour les aborder sans à priori ni jugement. Il faut également explorer le monde, essayer, se tromper et recommencer sans cesse. Il ne faut pas avoir peur de l’erreur pour comprendre. Il s’agit d’un réajustement permanent. D'ailleurs, il n'y a pas de bons ou de mauvais choix mais juste des expériences différentes. Enfin, il faut savoir que tout cela passe par les organes des sens qui sont les points d’entrée. Il faut les faire travailler pour transformer le Hun (Roun) en Shen (Chen). Au fur à mesure de la vie, le Hun (potentiel pour l’esprit ; intuition stockée dans le foie) se transforme en Shen (esprit, conscience, éveil). Pour que cette aventure se passe au mieux, il faut se respecter, s'écouter, se connaître et entretenir son véhicule et l’utiliser (sports ou liens vers l’extérieur). Alterner les temps forts et les temps faibles. Ainsi le Po (plan, matrice de notre corps, mémoire spatiale) devient de même le Jing (croissance du corps). Souvenez vous aussi que vous n'avez pas besoin de mériter votre place dans le monde, c 'est un droit de naissance acquis pour chacun et que ce n’est pas la destination, ni le but qui compte, mais le chemin pour y arriver. Il ne faudra pas chercher à interférer sur le chemin de l’autre. Les gens que l’on croise n’ont pas forcément la même destination que nous. Il faut respecter la liberté des uns et des autres. C’est un voyage qui est individuel, mais pas forcément solitaire. Pour les taoïstes, pour bien vivre, il faut aussi penser à sa mort 1 fois par jour. Donc la Vie est un parcours initiatique, et la mort est le moment du bilan. Et normalement à notre mort la matière ou corps (jing), le Qi, et l’esprit (shen) retournent chacun de leur côté.
Ensuite cela donne un autre éclairage sur la maladie et la douleur.
Tout cela nous aide à comprendre, comment la médecine chinoise traditionnelle conçoit la maladie et son traitement. Pour elle, la maladie est liée à un désordre entre l'énergétique, l'émotionnel, l'alimentation et l'organique créant un déséquilibre entre les différentes formes de l’énergie du corps et celles dites perverses attachées à six climats (vent, chaleur, humidité, sécheresse, canicule et froid). Deplus, il est intéréssant de mélanger les deux cultures car d"un côté en Orient, on se concentre sur les symptômes regroupés en syndromes correspondant à chaque déséquilibre. Cette médecine est préventive et cherche à maintenir une bonne santé. D’ailleurs, certains médecins n’étaient plus payés lorsqu’ils avaient des patients malades. De l'autre côté, en Occident, on classe les symptômes afin de diagnostiquer la bonne maladie et la guérir ou en réduire les effets. Cette médecine est curative et fait des miracles dans l'urgence. Enfin la douleur, l’accident ou le handicap sont des expériences de la vie dont nous avons besoin pour avancer. Ils doivent être acceptés, vécus et non subis. Ce sont des messages du corps. La maladie, les maux, les traumatismes sont là pour nous signaler que nous ne sommes plu en phase avec nous même, avec notre voie ou chemin, avec notre âme. Ils sont nos alliés, nos conseillers qui sont là pour nous aider; donc, cela ne nous tombe pas dessus par hasard mais se met en place avec logique.
Et en parallèle, avec l'expérience de différentes médecines, écoles et formations, je pense qu'il est utile de chercher à respecter ces principes lors de mes soins.
D'abord, des principes de base tels que: le respect de l’être (intimité, pudeur, secret professionnel…), l’hygiène de vie et du corps, la sécurité, le confort, la personalisation du soin (faire attention aux douleurs et aux mauvaises positions lors de l’installation et prise en compte des antécédents...) et prendre en compte le patient dans sa globalité. Puis une écoute profonde qui passe par un véritable contact physique en lien avec une harmonisation des deux respirations (donneur et receveur) et des pressions avançant à l’unisson. Mais aussi, grâce à une présence permanente, créée par la circulation des énergies à travers le ciel, le donneur, le receveur et la terre en perpétuelles connections, ainsi qu’une intention de contact et de présence, se souvenir que je suis là, pour accompagner non pour faire à la place. Durant un soin, il faut lâcher prise, ne plus chercher à guérir. mais juste être là, présent, accepter de se laisser guider par les énergies, le médecin intérieur du patient ou autres afin d'être dans l"action. Ceci juste afin que la personne reçoive ce qu'elle a besoin au moment où elle est prête. Cela peut paraitre étonnant de ne plus chercher à tout guérir mais cela permet au patient de reprendre ses responsabilités et de se réinvestir dans sa prise en charge. Ce travail peut paraitre plus compliqué mais ainsi le soin s'éffectue avec une prise de conscience (tête et coeur) et l'utilisation de son pouvoir d"auto-guérison. Car chaque personne a en lui la force de se guérir de tout si il prend conscience des mécanismes en place. Et cela amène une guérison plus profonde et durable. La relation soignant – soigné disparait il n'y a plus de hiérarchie ou de différenciation. Il y a une connexion entre les deux parties qui permet un véritable échange entre le receveur et le donneur. Cette relation est simple, naturelle et équilibrée. Nos mains et nos corps ont leur propre intelligence et sont capables d’avancer ensemble sans nos esprits. C’est l’intuition nécessaire à un bon massage. Le ki est important, indépendant et intelligent. Pour moi, il est primordial de veiller à ce que le fondement qu’est l’intention venant du cœur subsiste à travers ces échanges et mélanges de connaissances. Le donneur doit être dans le CŒUR. Selon NAMIKOSHI, la main est le prolongement du CŒUR. Pour permettre le mieux être du receveur, le donneur doit être bien. Il doit être centré, équilibré et avoir l’esprit clair. Il travaille avec la respiration du sujet en rythme avec la sienne (musique, danse). Cela sert d'une part à travailler avec son hara qui est notre centre d"énergie et d'autre part à utiliser le mouvement de son corps et non sa force physique. Nos sens doivent être bienveillants pour nous permettre d’observer et de progresser. Ainsi le soin doit donc être vu comme une expérience et un partage. On donne mais l’on reçoit aussi. Certains disent nos patients sont nos maîtres. D'autres disent on a les patients que l"on mérite. cela signifie simplement que nous apprenons en permanence et qu'il y aura toujours quelqu'un pour nous aider à nous remettre en question et ainsi se souvenir qu'il faut rester humble. Les points d'acupuncture et les méridiens ne doivent pas être utilisés machinalement tels des combinaisons de points vues de manière mécanique.